Plus de 2,2 millions d'oiseaux ont été observés sur les Pyrénées. C'est la plus forte migration depuis 1999.
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Cette saison, trois pics de migration ont été observés en neuf jours de passage. Le bilan du comptage est positif. (photo j.-l. d./« SO »)
Les plus grands spécialistes n'avaient pas prédit une telle migration en direction de la péninsule Ibérique. La palombe, imprévisible, a déjoué tous les pronostics cette saison. 2012 est la meilleure année d'observation depuis que le Groupe d'investigations sur la faune sauvage (Gifs) s'est doté d'un outil de suivi pertinent des populations et a mis en place les comptages au Pays basque. « Il y avait eu 2,6 millions d'oiseaux en effectifs migrants en 1999, et nous sommes cette année à plus de 2,2 millions entre le 15 octobre et le 11 novembre, confie Valérie Cohou, chargée de mission au Gifs. En 2011, nous avions recensé 1,2 million de palombes, 939 000 en 2009 et 1,1 million l'année précédente. » Il faut remonter à 2005 et 2008 pour retrouver des statistiques autour de 2,1 millions de sujets franchissant les cols pyrénéens.
Un comportement modifié
« Nous constatons un phénomène cyclique tous les trois ou quatre ans qui s'accompagne d'un pic migratoire », relève Régis Hargues, directeur de la Fédération départementale des chasseurs des Landes. « Les indices de reproduction sont en hausse, c'est indéniable. »
Sur le chemin de l'Espagne et du Portugal, le pigeon ramier, ou Columba palumbus, emprunte plusieurs couloirs pour rejoindre les zones d'hivernage où les chênaies produisent la nourriture recherchée. La dehesa, avec ses chênes verts ou chênes-lièges, a cependant subi un morcellement et une réduction de sa superficie de 30 %, ces vingt dernières années. À l'inverse, la maïsiculture s'est développée dans le Grand Sud au cours de la même période. « La disponibilité alimentaire dans notre région modifie cependant le comportement des oiseaux, remarque Régis Hargues. L'espèce est à la fois sédentaire, migratrice et hivernante sur nos territoires. » Les cultures de maïs dans les Landes et le Gers représentent, en effet, un garde-manger intéressant. Plus au nord, c'est également le cas, entre Poitiers et Orléans. Alors, même si le Sud-Ouest constitue toujours un axe très fréquenté, il faut également tenir compte des couloirs du Sud-Est, désormais bien pourvus. Jusqu'alors, ce couloir oriental (est de la Dordogne, Lot, est du Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Ariège) enregistrait en règle générale la migration la plus faible, contrairement au couloir central (Sud-Gironde, nord des Landes, deux tiers ouest de la Dordogne).
Un rush sur neuf jours
L'autoroute des palombes, entre le centre de la France et le Pays basque, demeure certes bien alimentée, mais son périmètre s'est rétréci. Les ornithologues considèrent qu'il existe deux sous-populations distinctes de palombes en Europe. D'une part, les sujets nichant en Europe centrale ou bien dans les pays nordiques, effectuant chaque année une migration vers des contrées où l'hiver est plus clément, et, d'autre part, les effectifs répartis dans les pays de la façade atlantique ayant tendance à se sédentariser.
« Cette saison, les palombes sont passées sur l'ensemble des postes, contrairement aux autres années, précise Valérie Cohou. Cela s'explique par la dominance sur quasiment un mois d'un vent de nord-nord-est. Elles s'adaptent aux variations d'Éole et à la douceur du climat dans les pays nordiques. »
Urrugne a été survolé par 30 % de la migration totale (652 581 oiseaux), Sare et Banca par 25 %. Le goulet d'Arnéguy par 20 %, soit 428 813 oiseaux.
Le rush migratoire, la fameuse vague bleue tant attendue par les paloumayres, s'est produit en neuf jours de passage. Entre le 28 et le 31 octobre, les observateurs ont vu 774 097 individus. Du 22 au 24 octobre, 693 690, et les 7 et 8 novembre, 583 531. « Mais il est possible, comme le suggèrent beaucoup de chasseurs, qu'un nombre relativement important d'oiseaux franchisse les Pyrénées en empruntant un couloir de plus en plus occidental, voire même en survolant la mer au large d'Urrugne en direction des côtes espagnoles et échappant, par là même, à toute forme de recensement », indique Jean-Roland Barrère, président du Gifs.
Afin de mieux appréhender la phénologie de la migration, le Gifs a mis en place, dans le cadre d'un programme franco-hispano-portugais, un suivi des palombes au moyen de balises Argos (lire par ailleurs). En 2009 et 2011, huit et dix oiseaux ont été équipés au niveau des plus importantes zones d'hivernage. Ce programme, qui se poursuit jusqu'en 2015, est soutenu financièrement par la Fédération nationale des chasseurs, qui débloque 35 000 euros sur cinq ans. « L'objectif est de mieux connaître la biologie de l'oiseau sur du long terme : sa fidélité aux sites de nidification et d'hivernage et sa fréquentation à des sites. Nous suivons les balises avec une très grande attention. »
D'ores et déjà, cette étude démontrerait que le phénomène dit de recul serait très important. En clair, des oiseaux arrivés sur les Pyrénées feraient demi-tour et rejoindraient des zones de gagnage en Aquitaine, voire même dans le centre de la France.
Par Jean-Michel Desplos